Le Panthéon
Introduction
Au cœur du Quartier Latin, perché sur la montagne Sainte-Geneviève, le Panthéon se dresse avec solennité, dominant la rive gauche de la Seine. Monument emblématique de Paris, il incarne la rencontre entre art, politique, mémoire et histoire nationale. Conçu à l'origine comme une église, il est devenu un temple républicain, voué à honorer les grandes figures de la Nation française. Cet article se propose d'explorer l'histoire fascinante de ce lieu, son architecture inspirée de l'Antiquité, et le rôle mémoriel qu'il joue dans la conscience collective française.
Origines et histoire
Le Panthéon trouve son origine dans un vœu royal. En 1744, le roi Louis XV, gravement malade, promet de faire ériger une église en l'honneur de sainte Geneviève, patronne de Paris, s'il guérit. Une guérison considérée comme miraculeuse pousse le roi à tenir parole. Le chantier débute en 1758 sous la direction de l'architecte Jacques-Germain Soufflot, fervent admirateur de l’architecture antique. Il souhaite « réunir la légèreté de la construction gothique à la pureté et à la magnificence de l’architecture grecque ».
Soufflot imagine un édifice monumental inspiré du Panthéon de Rome : plan en croix grecque, coupole centrale, portique à colonnes corinthiennes. Il s’agit d’un manifeste architectural des Lumières, à la fois spirituel et rationnel, exprimant les idéaux d’harmonie et de raison.
Le bâtiment est achevé sous la Révolution française. En 1791, l’Assemblée nationale décide de séculariser l'édifice et d'en faire un "Panthéon" destiné à accueillir les cendres des grands hommes de la patrie. La devise gravée sur son fronton, « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », incarne cette nouvelle vocation civique. La transformation est également esthétique : les symboles religieux sont remplacés par des emblèmes républicains.
Durant le XIXe siècle, le Panthéon alterne plusieurs fois entre fonction religieuse et fonction civile, au gré des régimes politiques : Empire, Restauration, Monarchie de Juillet, Second Empire... Ce va-et-vient témoigne des tensions entre mémoire nationale et mémoire religieuse. Il faut attendre la Troisième République pour qu’il devienne définitivement un sanctuaire laïque, symbole de la République et de ses valeurs universelles.
L’architecture du Panthéon
Le Panthéon se distingue par son architecture majestueuse, à la croisée des traditions grecque, romaine et chrétienne. Inspiré de l’Antiquité classique, il arbore une façade monumentale avec un péristyle corinthien à 22 colonnes, surmonté d’un fronton triangulaire sculpté par David d’Angers représentant la Patrie entourée de savants, écrivains et hommes d’État.
La coupole, haute de 83 mètres, est composée de trois calottes imbriquées, une prouesse technique pour l’époque. Elle évoque à la fois le Panthéon de Rome, la cathédrale Saint-Paul de Londres et les dômes byzantins. De l'extérieur, elle domine la skyline de la rive gauche parisienne.
À l’intérieur, la sobriété règne : colonnes, voûtes, lumière filtrée. Les fresques murales racontent la vie de sainte Geneviève, les débuts du christianisme à Lutèce, mais aussi des épisodes glorieux de l’histoire de France. L’espace est pensé pour susciter la méditation, la solennité, l’élévation de l’esprit.
Soufflot, pour alléger la structure, emploie un mélange innovant de pierre et de métal, en particulier du fer dissimulé dans les murs : une anticipation des techniques modernes du XIXe siècle. Cette innovation permet au bâtiment d’allier robustesse et grâce.
Mémoire nationale
Dès sa réinvention révolutionnaire, le Panthéon devient un espace de sacralisation républicaine. En 1791, les premières panthéonisations concernent Mirabeau (qui sera ensuite désavoué), Voltaire, puis Rousseau. Il ne s’agit pas seulement d’honorer des morts illustres, mais de construire une mémoire collective partagée.
Aujourd’hui, le Panthéon accueille plus de 80 personnalités, choisies pour leur contribution exceptionnelle à la France. Parmi elles : Victor Hugo, écrivain national par excellence ; Émile Zola, ardent défenseur de la vérité dans l’affaire Dreyfus ; Jean Moulin, figure héroïque de la Résistance ; Marie Curie, scientifique de génie et pionnière féminine ; Alexandre Dumas, dont l’entrée a réparé une injustice raciale longtemps dénoncée.
La panthéonisation, acte politique fort, relève de la décision présidentielle. Chaque cérémonie donne lieu à des discours, des performances artistiques, parfois des mises en scène mémorielles spectaculaires (comme la projection de visages sur la façade). C’est une façon pour la République de réaffirmer ses valeurs et son identité.
Anecdotes
Le Panthéon n’est pas seulement un lieu solennel : il regorge d’histoires insolites. En 1851, le physicien Léon Foucault y suspend un pendule pour démontrer la rotation de la Terre. Cette expérience, emblématique du lien entre science et espace public, reste visible aujourd’hui grâce à une reconstitution permanente.
La crypte, divisée en galeries, offre un parcours émouvant parmi les sépultures. Certaines tombes sont anonymes, d’autres richement décorées. Un moment marquant est le passage devant les tombeaux réunis de Hugo, Zola et Dumas — trois piliers de la littérature française.
Moins connue, l’histoire de la Résistance dans le Panthéon : des résistants s’y sont cachés durant l’Occupation. Plus récemment, des artistes contemporains comme JR ou Christian Boltanski y ont proposé des installations monumentales, redonnant une voix actuelle aux pierres.
Enfin, plusieurs mouvements citoyens ont revendiqué des panthéonisations militantes : pour des femmes, des figures de la diversité, ou des héros oubliés, signe que le Panthéon est aussi un champ de lutte mémorielle.
Le Panthéon aujourd’hui
Aujourd’hui, le Panthéon est un monument vivant. Géré par le Centre des monuments nationaux, il accueille près de 700 000 visiteurs par an. Des expositions temporaires, des conférences, des visites thématiques sont régulièrement organisées pour sensibiliser tous les publics.
Des partenariats avec des institutions éducatives permettent à des milliers d’élèves de découvrir les grandes figures de la République. Des dispositifs numériques facilitent aussi la visite : applications mobiles, reconstitutions 3D, parcours interactifs dans la crypte.
Le monument participe aussi aux grands moments de la vie nationale : Journée du Patrimoine, commémorations officielles, hommages exceptionnels. Il reste un haut lieu du tourisme culturel, mais aussi un marqueur fort de l’identité parisienne.
Son emplacement, à quelques pas de la Sorbonne, des grandes écoles et bibliothèques du Quartier Latin, renforce son rôle de phare intellectuel. Le Panthéon dialogue ainsi avec son environnement : c’est un lieu de mémoire, de savoir et d’avenir.
Conclusion
Le Panthéon est bien plus qu’un édifice de pierre : il est une œuvre vivante, un temple républicain, un musée de la mémoire collective. Il témoigne de la manière dont une nation choisit de se raconter à travers ses figures les plus marquantes.
En retraçant l’histoire des femmes et des hommes qui y reposent, on comprend mieux les combats, les idéaux et les métamorphoses de la France. Monument universel autant que spécifiquement français, le Panthéon est une visite essentielle pour quiconque souhaite percer le cœur de Paris et de la République.
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