Le Square René-Viviani : havre de verdure et trésor méconnu au cœur du vieux Paris


Une oasis de calme en bord de Seine


À deux pas de Notre-Dame, niché entre les rives animées du quai de Montebello et la paisible église Saint-Julien-le-Pauvre, le Square René-Viviani - Montebello est l’un des plus beaux secrets de la rive gauche. Modeste en taille mais immense par sa richesse historique, botanique et symbolique, ce jardin suspendu dans le temps offre une respiration précieuse au cœur du Quartier Latin, face à la Seine et à la silhouette gothique de la cathédrale.
Ouvert en 1928, le square porte le nom de René Viviani, homme politique du début du XXᵉ siècle et éphémère président du Conseil sous la Troisième République. Mais bien avant de devenir un espace public, ce lieu fut successivement cimetière, verger, enclos religieux et même terrain vague. Il incarne à lui seul la complexité des strates urbaines de Paris, mêlant mémoire chrétienne, patrimoine médiéval et créations contemporaines.

Un des plus vieux arbres de Paris


Le joyau végétal du square est sans conteste son robinier faux-acacia, planté selon la tradition en 1601 par Jean Robin, botaniste d’Henri IV. Ce vénérable arbre, classé monument naturel, est considéré comme le plus ancien arbre de Paris encore en vie. Ses branches soutenues par des béquilles de pierre, son tronc creusé par les siècles mais encore feuillu chaque printemps, témoignent d’une longévité aussi rare que précieuse. Il fut témoin de la Révolution française, de l’essor du Romantisme, des bombardements de 1918, de la Libération… et il continue d’offrir son ombre aux passants d’aujourd’hui.
À ses pieds, des plantes vivaces, des massifs de fleurs et des bancs invitent à la contemplation. Le square, très fréquenté mais toujours paisible, forme un écrin naturel suspendu entre ville et silence.
Une fontaine pour la paix : les Enfants du Monde

Au centre du square se dresse une œuvre profondément symbolique et trop souvent négligée : la Fontaine de la Paix, officiellement nommée Fontaine Saint-Julien-le-Pauvre mais surnommée la Fontaine des Enfants du Monde. Elle fut inaugurée en 1995 à l’initiative de l’UNESCO, dans le cadre du 50ᵉ anniversaire de l’Organisation des Nations unies.
Sculptée par Georges Jeanclos, artiste reconnu pour ses œuvres d'inspiration humaniste, la fontaine présente un groupe d’enfants en ronde, se tenant par la main autour d’un mince filet d’eau. Leurs visages stylisés représentent les cinq continents, incarnant une fraternité sans frontières, une innocence universelle. La ronde des enfants se reflète dans le bassin circulaire, évoquant le monde comme un miroir de notre propre humanité.
L'œuvre fut achevée peu avant la mort de Jeanclos, ce qui confère à la sculpture une aura crépusculaire. Elle invite à la paix, à l’écoute, à la réconciliation entre les peuples — autant de messages d’une poignante actualité.

Un ancrage dans l’histoire médiévale


Le square épouse les contours irréguliers de l’ancien cimetière paroissial de Saint-Julien-le-Pauvre, désaffecté à la fin du XVIIIᵉ siècle. C’est là que reposaient autrefois les fidèles de l’une des plus anciennes églises de Paris, bâtie dès le XIIᵉ siècle sur des fondations carolingiennes. À l’époque médiévale, l’église appartenait à l’hospice des pauvres voyageurs — d’où son nom — et le terrain qui l’entourait servait de jardin et de sépulture.
Lors des travaux d’aménagement du square, des fragments de pierres tombales et des sarcophages furent découverts, certains encore visibles aujourd’hui à la base des murets en pierre. Le passé funéraire du lieu, loin d’être effacé, demeure inscrit dans la texture même du sol.
Un point de vue unique sur Notre-Dame

Le square est aussi l’un des meilleurs points d’observation de Notre-Dame de Paris, dont il offre une vue latérale splendide, centrée sur le chevet de la cathédrale, ses arcs-boutants, ses vitraux et ses gargouilles. C’est depuis ce point de vue que nombre de peintres, graveurs et photographes ont immortalisé le monument.
Avant l’incendie de 2019, cette perspective permettait d’apprécier la flèche de Viollet-le-Duc dans son alignement vertical parfait avec la nef. Aujourd’hui encore, alors que la cathédrale renaît lentement de ses cendres, le square reste un lieu de contemplation silencieuse, un balcon végétal tourné vers l’Histoire.

Un lieu d’échange entre générations et cultures


Le Square Viviani attire une population variée : enfants en promenade, étudiants en lecture, touristes de passage, riverains fidèles. Des animations ponctuelles s’y tiennent à l’occasion de fêtes locales, et il n’est pas rare d’y croiser des musiciens ou conteurs improvisés.
Lieu de repos, d’apprentissage, de méditation, il forme un trait d’union entre la mémoire du passé et les aspirations d’un monde plus doux. Le square est aujourd’hui géré par la Ville de Paris avec un souci de biodiversité : les espèces végétales y sont choisies pour favoriser la pollinisation, les zones de prairie fleurie alternent avec des allées gravillonnées pour préserver l’esprit du lieu.
Une halte indispensable pour flâneurs curieux

Situé entre le tumulte du boulevard Saint-Michel et la ferveur touristique de l’île de la Cité, le square René-Viviani est une invitation à ralentir. Plus qu’un jardin, c’est un espace de respiration, de beauté et de mémoire, un lieu où l’on peut lire, penser, rêver — ou simplement écouter le murmure de l’eau au pied de la fontaine des enfants.
Visiter ce jardin, c’est renouer avec un Paris délicat et humaniste, celui des petites places et des grandes idées, des poètes et des enfants, des arbres centenaires et des pierres anciennes.

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