Le Quartier Latin en Résistance : mémoire des combattants de l’ombre (1940-1944)
Le Quartier Latin sous l’Occupation : entre silence et clandestinité
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Quartier Latin, cœur intellectuel et étudiant de Paris, devient un lieu stratégique de la Résistance française. Dès l’entrée des troupes allemandes dans la capitale en juin 1940, le 5ᵉ arrondissement est placé sous haute surveillance. Ses rues, ses universités et ses librairies sont tenues à l’œil. Mais derrière les façades haussmanniennes et les bancs des amphithéâtres, une autre réalité se tisse : celle d’une lutte souterraine, faite de tracts, de mots de passe, de réunions nocturnes et de bravoure anonyme.
Les premiers foyers étudiants de résistance
Dès 1940, de nombreux étudiants, professeurs et lycéens du Quartier Latin rejoignent les premiers réseaux de résistance intellectuelle et patriotique. Des figures comme Jean-Paul Sartre ou Maurice Merleau-Ponty débattent de l'engagement dans les cafés de la rue Soufflot ou de la rue des Écoles. Autour de la Sorbonne, de l’École normale supérieure (rue d’Ulm) ou du lycée Louis-le-Grand, des groupes se forment pour diffuser des journaux clandestins comme Combat, Libération ou Défense de la France. Le savoir devient arme : chaque mot tapé à la machine est un acte de résistance.
L’École normale supérieure et les réseaux secrets
L’École normale supérieure, située au 45 rue d’Ulm, joue un rôle clé dans la Résistance intellectuelle parisienne. Ce haut lieu de formation produit une génération brillante de jeunes résistants, parmi lesquels Jean Cavaillès, philosophe et mathématicien, cofondateur du réseau Cohors-Asturies, ou encore Georges Politzer, professeur de philosophie, auteur des Principes élémentaires de philosophie, fusillé en 1942. La bibliothèque, les couloirs et les caves de l’ENS deviennent des lieux de réunion et d’impression clandestine. Le quartier devient un laboratoire d’idées et de lutte.
La Sorbonne et les enseignants engagés
De nombreux professeurs de la Sorbonne et du Collège de France refusent le silence. Certains sont limogés ou arrêtés pour avoir refusé de collaborer. D’autres rejoignent des réseaux comme Franc-Tireur, Libération-Nord ou Résistance-Fer. Les cours deviennent parfois des lieux codés d’échange d’informations. La Place de la Sorbonne ou la Place du Panthéon voient passer des agents de liaison, souvent de jeunes femmes, comme Marie-Claude Vaillant-Couturier, qui fréquente alors les milieux résistants. L’université, malgré la censure, reste un foyer d’indocilité.
Arrestations, tortures et exécutions : un quartier marqué par le sang
Le Quartier Latin paie un lourd tribut. Les rafles visent à la fois les résistants et les Juifs. Le lycée Henri-IV, comme d'autres établissements, voit certains de ses élèves et professeurs arrêtés, déportés, ou fusillés. Georges Politzer, arrêté avec sa femme dans une librairie du boulevard Saint-Michel, meurt en héros. Marc Bloch, historien et professeur à la Sorbonne, arrêté en 1944, est torturé et exécuté près de Lyon. Des lieux discrets comme des caves, des mansardes ou des arrière-boutiques servent de caches pour les tracts, les armes ou les radios. La peur est quotidienne.
La Libération de Paris : les rues du Quartier Latin s’enflamment
En août 1944, le Quartier Latin participe activement à la Libération de Paris. Les Francs-Tireurs et Partisans (FTP), les Forces françaises de l’intérieur (FFI) et les étudiants s’emparent de certains bâtiments, dressent des barricades rue Soufflot, boulevard Saint-Michel, ou sur la Place Maubert. La mairie du Ve arrondissement, occupée par la Résistance, devient un point stratégique. Le 25 août, la cloche du Panthéon sonne la fin de l’Occupation. Le quartier se couvre de drapeaux tricolores, mais aussi de portraits des disparus.
Une mémoire toujours présente dans les pierres et les noms
Aujourd’hui, les traces de la Résistance sont visibles partout dans le Quartier Latin. Des plaques commémoratives honorent la mémoire des étudiants et enseignants tombés. Sur les façades de la Sorbonne, de Louis-le-Grand, de l’ENS ou du lycée Saint-Louis, les noms gravés rappellent la jeunesse sacrifiée. Des rues portent désormais leurs noms : rue Jean-Cavaillès, rue Georges-Politzer. Chaque année, des commémorations rendent hommage à ces figures. Le Quartier Latin, loin d’être figé dans l’histoire, reste un haut lieu de mémoire vivante, où culture et engagement se sont toujours rencontrés.
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